Six mois, six jours - Karine Tuil
Edition : Grasset
Parution : Août 2010 (Août 2011 pour la version poche LGF)
« Dans l’anonymat d’une chambre d’hôtel, l’une des femmes les plus puissantes d’Allemagne se
donna à un homme dont elle ne savait rien, qu’elle n’avait vu que deux fois dans sa vie… »
Mais au bout de quelques mois, l’homme menace de révéler à la presse leur liaison : tous leurs ébats ont été filmés. Juliana
Kant la milliardaire dénonce le gigolo. On l’emprisonne, la morale est presque sauve.
Une affaire de mœurs chez les riches ? Une liaison amoureuse qui tourne au chantage sordide ? Karine Tuil, dans son roman le
plus troublant, dévoile l’arrière-monde de cette aventure risquée : qui est à l’origine d’une telle fortune allemande ? Pourquoi le grand-père de Juliana, premier mari de Magda Goebbels, et
militant nazi, n’a-t-il pas été arrêté à la Libération ? Sait-on que le père d’adoption de Magda était un juif qu’elle a renié puis laissé mourir ? Pourquoi les Kant ont-ils gardé le silence sur
leurs activités industrielles sous le Reich ? Et si humilier sexuellement la jolie bête blonde était une forme de vengeance ? Les fils ont-ils d’ailleurs reconnu la faute des pères, les vivants
ont-ils pardonné aux morts ?
C'est un roman étrange que celui-ci. De part sa construction mais également de part la manière dont l'auteur a souhaité faire passer son message.
Rien que de très banal dans l'histoire de cette passion amoureuse entre une richissime héritière et le premier venu : l'amour rend aveugle, soit. Que l'homme en question se révèle être un abominable salaud, le lecteur s'en doute depuis le départ. Que tout cela soit en lien avec le passé nazi de la famille, ça ne surprend pas beaucoup non plus.
Le premier narrateur - sur les 3/4 du roman - est l'homme de confiance de la richissime famille Kant, devenu le garde du corps de Juliana. Bien sûr il connaît tous les secrets, internes et externes. Il raconte le tout avec un cynisme étrange et une froideur distante. Sans doute en réaction à son "remerciement" pour ne pas s'être mieux renseigné sur l'amant de Juliana.
L'auteur détourne et emmêle cette première partie autour du passé familial et notamment Magda Goebbels, son enfance, son adolescence, son premier mariage avec un Kant et surtout son immense ambition qui lui fera renier jusqu'à son père adoptif, juif. Cette histoire-là devrait, aux yeux du lecteur, servir d'excuses à la trahison de l'amant de Juliana.
Et puis les vingt dernières pages sont narrées par le père adoptif de Magda. C'est en quelque sorte sa version des faits sur ce qui a pu pousser sa fille adoptive et tant aimée à le renier et embrasser le nazisme.
Tout cela donne un récit un peu confus et même si le livre se lit bien, je ne suis pas certaine d'avoir saisi les motivations de l'auteur quant à la finalité de cette histoire, ni là où elle voulait vraiment en venir. C'est dommage car il y a de bonnes réflexions sur la culpabilité et le passé.
Cette lecture entre dans le cadre du challenge "Un mot, des titres" organisé par Calypso.