Que font les rennes après Noël ? - Olivia Rosenthal
Edition : Gallimard / Verticales
Parution : Août 2010
Prix du livre inter 2011
Vous aimez les animaux. Ce livre raconte leur histoire et la vôtre. L'histoire d'une enfant qui croit que le traîneau du père Noël apporte les cadeaux et qui sera forcée un jour de ne plut y croire. Il faut grandir, il faut s'affranchir. C'est très difficile. C'est 'même impossible. Au fond, vous êtes exactement comme les animaux, tous ces animaux que nous emprisonnons, que nous élevons, que nous protégeons, que nous mangeons. Vous aussi, vous êtes emprisonnée, élevée, éduquée, protégée. Et ni les animaux ni vous ne savez comment faire pour vous émanciper. Pourtant il faudra bien trouver un moyen.
Voilà plus d'un an que ce livre m'intrigue et m'attire par son titre...
La construction en est originale et même assez déstabilisante au départ. Le rythme et le ton sont particuliers, froids et cliniques.
L’auteur parle au lecteur comme s’il était l’héroïne : « Vous voudriez être quelqu’un d’autre mais vous ne savez pas comment vous y prendre. Quant à être vous-même, c’est une entreprise qui vous semble au-dessus de vos forces. »
Le récit alterne plusieurs « voix » :
_ L’enfance d’une petite fille qui va grandir au fil des pages, qui aime les animaux mais dont les parents refusent d’accéder à son rêve. Elle se pose maintes questions sur la vie, le comment s’émanciper, s’éloigner de sa mère qu’elle aime, se construire ailleurs que dans ce cocon…
Elle décide successivement de se taire, de résister , de trahir : « Vous décidez d’organiser une résistance au monde des parents, de négliger fièrement le père Noël, d’élever des escargots dans des boîtes à chaussures, d’accueillir dans votre chambre les animaux abandonnés et de partir avec les rennes après les fêtes de fin d’année. »
Elle attend sa transformation au même titre que l’héroïne du film « La féline » de J.Tourneur dont l’auteur parle longuement. Pourtant, même si elle se sent différente, elle pressent qu’il vaudrait mieux être dans la conformité : « Vous voulez être comme tout le monde. Vous croyez qu’être comme tout le monde rend heureux. Vous croyez que tout le monde est heureux. ».
_ Des réflexions sur notre façon de traiter le monde animal et de l’enfermer pour le réintroduire au cœur même des villes. L’auteur dénonce aussi ce qu’on raconte sur les labos, décrivant ce qui s’y passe et ce sur quoi tout cela débouche.
_ Le récit de plusieurs soigneurs animaliers de zoos différents, racontant leur quotidien parmi les bêtes et les comportements qu’ils ont observés au fil de leur travail.
La force de ce roman réside dans le parallèle constant entre l’homme et l’animal. C’est astucieux et intelligent, la réflexion approfondie et non dénuée de sens. Après tout, nous sommes des animaux.
Le lecteur en arrive à de nombreuses questions et réflexions.
C’est un livre pertinent, intelligent autant que curieux et bizarre tant la surprise est grande en ce qui concerne la trame et le fond. Les pages se tournent avec de plus en plus d’avidité dans un rythme quasi magnétique.
Ce roman est aussi agrémenté de quelques pointes d’un humour assez sarcastique : « L’intervention de l’homme pourrait faire disparaître la fonction de mâle dominant. On se demande pourquoi la pratique de l’implant n’est pas utilisée de manière systématique dans la contraception humaine. ».
On y trouve également nombre de références cinématographiques : « Rosemary’s baby », « La Féline », « Dersou Ouzala » et télévisuelles : « Daktari », « Flipper », « Skippy » qui rappelleront bien des souvenirs à certains.