Le passage de Vénus - Shirley Hazzard
Edition : Gallimard
Parution : Avril 2007 et Janvier 2009 pour Folio
Comme dans toute l’œuvre de Shirley Hazzard, l’histoire semble simple : ici, deux sœurs
d’origine australienne, orphelines, s’expatrient en Angleterre. Très dissemblables, elles mèneront des existences opposées : Grace, belle blonde à la beauté classique, va épouser une homme de la
meilleure société et mener une vie dorée parfaitement conventionnelle. Tandis que Caroline, brune éclatante qui rayonne de sensualité, va connaître une liaison tumultueuse avec Paul Ivory, un
célèbre dramaturge : désir violent, trahisons multiples, amours interdites, seront son lot dans l’existence.
Cette trame apparemment très schématique sert en fait de prétexte à Shirley Hazzard, en brillante héritière d’Edith Wharton
ou d’Henry James, pour décrire avec acuité les milieux sociaux où évoluent ses héroïnes : universitaires, mondains, aristocrates, ouvriers aussi. Le tout très ancré dans les années
d’après-guerre, sur fond de décolonisation, de guerre de Corée, puis d’Indochine.
Entre Sydney, Londres, Paris, New York, Le passage de Vénus se révèle une traversée initiatique d’un monde à
l’autre.
Au tout départ, l'histoire se met en place en douceur. Le lecteur fait connaissance avec les deux soeurs Bell ainsi qu'avec leur
entourage. Chaque personnage est amené dans l'histoire avec son passé, son présent et son avenir entrevu, possible. Il y a aussi les failles et les faiblesses de chacun, les atouts, les pensées.
Rien n'est laissé au hasard, tout est décrit sans que cela ne soit pesant.
Tous ces êtres s'entrecroiseront de multiples fois au cours de leur vie, avec plus ou moins de bonheur, au gré des évènements, de leur travail, de leur destinée.
Des secrets se dévoileront au tout dernier moment, changeant l'opinion que pouvait s'être faite le lecteur au fil des pages,
alors même qu'il ignorait le principal.
L'auteur mène les vies de ses héros de manière à ce qu'on les connaisse bien, comme si on les avait côtoyés depuis toujours et ce faisant offre un tableau de leur personnalité jusque dans leur être intime. Comme ce sont des protagonistes "vivants", le monde où ils évoluent est aussi très important, finement ciselé comme un décor autour d'eux. Il y est question de politique, de féminisme, du monde du travail. De quelques remarques ou conversations bien senties, l'auteur passe son message.
"_Les hommes ne font rien qui soit de nature à blesser leur amour-propre. Bien au contraire, ils le confortent en restant derrière leurs bureaux."
"Notre époque est celle de la bouche ouverte et du petit doigt non levé ; des gens qui doivent parler très vite pour ne pas donner au monde le temps de les démasquer."
" Les femmes n'ont pas le choix, elles doivent aller au bout des choses, dit Grâce. L'enfantement, par exemple, ou l'amour
sans espoir. Les hommes peuvent toujours échapper au pire."
Dans un style 19ème, cette fresque est une lecture douce -même avec ses rebondissements - on pourrait presque peindre certaines scènes, certains paysages, tant on se trouve au coeur du déroulement de ce roman.
Cette histoire est aussi un livre sur les relations humaines et leurs difficultés mais aussi et surtout, sur l'amour qui réserve
son lot de joies, de peines, de satisfactions comme de frustrations.
"Grâce avait connu une expérience qui ne pouvait être que de l'amour, ou alors, elle avait eu quelques révélations intérieures."
Une plaisante découverte qui entre dans le cadre du challenge des "12 d'Ys" catégorie n°2 "Australasie"