Le chagrin - Lionel Duroy

Publié le par Plume

chagrin

 

Edition : Julliard

Parution : Mars 2010 (J'ai Lu : Mai 2011)

 


 

À l'origine de ma venue au monde, de notre venue au monde à tous les onze, il y a l'amour que se sont déclaré nos parents.

Toutes les souffrances qu'ils se sont infligées par la suite, toutes les horreurs dont nous avons été les témoins, ne peuvent effacer les mots tendres qu'ils ont échangés durant l'hiver 1944.

De l'Occupation jusqu'à nos jours en passant par la guerre d'Algérie et Mai 68, des avenues chics de Neuilly aux cités dortoirs de Rueil, Lionel Duroy retrace l'itinéraire chaotique d'un enfant, puis d'un homme, pris au piège d'une odyssée familiale désastreuse. Un roman poignant qui fouille les mentalités françaises des cinquante dernières années.


 

Mon impression :


Ce livre est une autobiographie.  C’est le quotidien d’une famille très nombreuse dans la France d’après l’occupation ;  c’est le récit de ses aspirations et de ses déboires financiers,  de l’expulsion, de la survie ; d’un père qui joue à cache-cache avec les huissiers, les banquiers, et sa femme. D’une mère qui se voyait tout autre et dont les rêves s’écroulent après chaque naissance, chaque perte de niveau de vie, qui se laisse parfois aller à la folie avant de reprendre sa raideur. C’est aussi une chronique de la France de cette même époque, vécue par une famille à contre courant.


La lecture m’a emportée, liée à cette famille. J’ai été troublée et émue par le ton du livre, par le chagrin évident de l’auteur au travers de son récit, de ses jugements vis à vis des siens, de ses souvenirs et de ce qu’il vit aujourd’hui encore par rapport à tout cela. Il y a en lui un enfant caché, terriblement présent, avide d’amour, de reconnaissance, celui qui  a vécu comme des injustices les évènements de son passé et qui souhaiterait sans doute cesser d’en être torturé pour comprendre et enfin expurger colère et haine qui le rongent et le minent toujours.


 « …je règle déjà quelques comptes à coups de hache, découvrant combien l’écriture me sort de mon chagrin, combien elle me donne le sentiment d’exister, enfin… »


Je n’ai pas lu d’autres livres de Lionel Duroy mais je l’ai vu à « La grande librairie » lors de son passage pour la sortie de son livre « Colères » : cet homme paraît  d’une sensibilité exacerbée,  ce qui lui permet sans doute de ressentir  si profondément  les évènements, les gens et leur vécu, son passé et qui lui donne ce talent de les conter. Il ne peut évidemment le faire que par l’écriture :  s’il n’écrit pas, il s’enferme, tourne en rond comme un ours en cage, se détruit ; s’il écrit c’est à ses risques et périls, au détriment de ses liens familiaux, amoureux…  Cet homme est souffrance et déchirement quoi qu’il choisisse.


« J’étais bien placé pour savoir combien les livres peuvent être destructeurs, et cependant je ne connaissais pas de plus sûr moyen de garder auprès de soi ceux que nous aimons le plus. »


Difficile sans doute de vivre ce qu’il a vécu, difficile aussi d’être de sa  fratrie et de ne savoir réagir qu’avec une certaine violence à ses écrits et sans doute difficile de vivre avec un homme qui vous scrute, qui semble chercher  ou attendre une faille pour s’engouffrer dedans et tout voir se détruire, de nouveau comme si c'était inévitable.


Troublant, émouvant, parfois agaçant mais terriblement prenant, jusqu’au bout des 734 pages.

Publié dans Lectures

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E
<br /> Depuis "Priez pour nous", Duroy n'a cessé de faire de sa vie le matériau inépuisable de ses livres. Mais pourquoi fallait-il qu'au poids des mots, il ajoute le choc des images, pour paraphraser une<br /> formule publicitaire célèbre ? En effet je conçois qu'il n'ait pas voulu renoncer à la publication de son premier roman, mais était-il nécessaire d'en céder les droits cinématographiques. J'imagine<br /> quelle violence ce dut être pour les personnes concernées de se voir représentées telles qu'elles le sont dans le film réalisé par Jean-Pierre Vergne. La catharsis a bon dos.<br /> <br /> <br />
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P
<br /> <br /> N'étant pas cinéphile, je ne savais pas qu'il y avait eu un film.<br /> <br /> <br /> Je n'ai donc  ni réponse, ni explications...et si je ne nie pas qu'il doit être difficile de faire partie de l'entourage proche, je pense que ce n'est pas à moi de juger. Je m'en tiendrai<br /> donc au roman.<br /> <br /> <br /> <br />
Y
<br /> J'ai plusieurs fois failli le prendre quand il est passé entre mes mains à la bib, mais ça ne s'est pas encore fait, il sort beaucoup en fait.<br /> <br /> <br />
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P
<br /> <br /> J'ai hésité longtemps...et puis il a été présenté et chaudement recommandé par une de mes camarades de "Katulu" (l'un des 2 cercles de lectures que je fréquente avec assiduité). Je ne regrette<br /> pas mon emprunt.<br /> <br /> <br /> Même si je n'adhère pas à toutes les réactions de l'auteur dont la douleur est tellement présente, je peux en comprendre certaines, tout en ressentant également celles de ses proches.  La<br /> lecture pourrait être laborieuse, tournant au dramatique règlements de comptes, si il n'y avait parfois une petite pointe d'humour qui fait du bien et la présence de son "incapacité" à comprendre<br /> ce qui lui arrive (au passé comme au présent).<br /> <br /> <br /> Une lecture qui me restera longtemps, je pense.<br /> <br /> <br /> <br />