La maison Matchaiev - Stanislas Wails
Lecture en partenariat avec Babelio
&
les éditions Serge Safran
Merci de cette opportunité !
Edition : Serge Safran
Parution : Août 2011
À la mort de Sergueï Matchaiev, ses trois enfants, Pierre, Anne et Joshua, héritent de la maison paternelle en Bourgogne, dernier témoin d'une histoire familiale mouvementée, à l'image des romans russes que Sergueï leur lisait dans leur enfance. Ils ont entre vingt et trente ans. Ils vivent à Paris. Faut-il garder cette « maison d’un pendu » ou la vendre ? Que faire de ces souvenirs à la fois très doux et trop lourds ?
Les enfants Matchaiev sont marqués par le poids de la honte, insidieusement mêlé à celui de la différence culturelle et sociale. Un héritage complexe lié à la langue, aux traditions, aux cicatrices de l'Histoire. Un héritage encombrant qui entraîne de leur part révolte et revendications.
Dans cette tranche de vie familiale de trois frères et sœurs, l’histoire se situe plusieurs mois après le suicide de leur père dans la maison de famille.
Dans la première partie, on apprend à connaître les personnages principaux : Pierre, l’aîné responsable ; Anne la calme et déterminée et l’impatient et impulsif Joshua. Chacun d’eux a des blessures secrètes que les autres ignorent, une façon de vivre qui découle, on le devine, de ce qu’ils ont vécu enfants.
Ils ont fait face au suicide puis au deuil de leur père chacun à leur manière, avec leurs propres armes.
Dans la seconde partie, la fratrie se retrouve dans la maison familiale qu’il faut vider avant de vendre. Là encore, chacun d’eux affronte cela comme il le peut. Il y a les souvenirs, les regrets.
« …Le gant troué qu’il ne voulait pas jeter, une casserole d’eau où cuisait le chou rouge à la belle couleur douce et âcre à la fois…les veines saillantes de sa main, une petite ride qu’elle aimait bien, au coin de son œil gauche, non, droit. »
C’est douloureux et en même temps ils sont là, ensembles, parfois maladroits, ne sachant ce qu’ils doivent faire de tout ce poids : cette chape d’hérédité, celle avérée des liens directs et celle plus éloignée mais non moins pesante de l’histoire familiale.
« …Le venin, lui, il coule en nous, qu’on le veuille ou non. Il se balade dans nos veines, dans notre cerveau, l’air de rien il passe des parents aux enfants : et en même temps qu’il nous nourrit, il nous empoisonne…
…
- T’es bien naïf. S’il y a quelque chose à oublier, ça veut dire que le mal est fait. On est les petits enfants d’Andreï Vassilievitch Matchaiev, les crimes qu’il a commis, on les portera toujours en nous…C’est pas une question de souvenirs. »
Certains lecteurs regretteront sans doute de ne pas en savoir plus sur le passé de cette famille qui n’est qu’esquissé, suggéré, alors qu’il a forgé ces trois êtres tels qu’ils sont aujourd’hui, surtout dans leurs rapports aux autres.
Les deux premiers chapitres m’ont un peu déstabilisée à la fin de ma lecture : posés là dans un but qui m’avait sans nul doute échappée, je suis revenue au tout début du livre pour tenter de comprendre, voir si j’avais raté quelque chose.
Je pense que la volonté de l’auteur était de donner le ton du roman, même si les premiers personnages n’y reviendront plus du tout, Anne mise à part, qui s’immisce pour former un lien ténu avec la suite.
Cela n’enlève rien à ce roman chaud, agréable à lire, fin, relevé d’humour. Un livre qui traite d’un sujet grave sans le faire tout à fait comme d’autres.
De plus il n’y a aucun pathos dans cet ouvrage prometteur d’un jeune auteur à garder à l’œil…