La fortune de Sila - Fabrice Humbert

Publié le par Plume

fortune sila

 

 Edition : Le Passage

 Parution : Août 2010

 

 

 

Paris, juin 1995. Dans un grand restaurant, un serveur est violemment frappé par un client. Autour de lui, personne n'intervient. Ni le couple russe qui contemple cette scène avec des sentiments mêlés, ni la femme du client en colère, ni les deux jeunes gens, deux Français, venus fêter une première embauche à la banque. Une simple anecdote ? Pas même un fait divers ? Dans le cours des vies, aucun événement, si minime soit-il, n'est anodin. Et la brutalité de l'un, l'indifférence ou la lâcheté des autres vont bientôt se révéler pour ce qu'elles sont vraiment : le premier signe de leur déclin. De la chute du mur de Berlin à la crise financière de 2008, dans un monde façonné par l'argent, les destins croisés des acteurs de cette scène inaugurale, de l'oligarque russe au financier français en passant par le spéculateur immobilier, tissent peu à peu une toile. Et au centre de la toile, Sila, le serveur à terre, figure immobile autour de laquelle tout se meut.

 

 

Mon impression générale :

 

Ce livre est un coup de poing. D'abord sur l'âme du monde et son devenir, mais aussi sur la conscience de chaque être humain : ses tours, ses détours et ses lâchetés.

Pas joli, joli tout ça ! Ce monde de l'argent, et on ne parle pas là de quelques milliers d'euros mais bien de milliards de dollars qui se brassent en tout sens, où n'importe qui est prêt à n'importe quoi pour s'approprier le fric qui fait des hommes des surhommes...enfin, ça, c'est la théorie. Car même si Lev, l'oligarque ; Mark, le roi du crédit et Simon, le mathématicien surdoué arrivent à caresser dans le sens du poil mère fortune, qu'en est-il d'eux-même, leur vie, leurs relations ?? Et c'est pour survivre dans ce monde là qu'ils vendent leur âme ?

Sans jamais en faire trop, l'auteur nous décrit un monde, le monde tel qu'il est régi par les grandes puissances, les banques, les sacrifices et la superficialité. De la Russie vidée, pillée de l'intérieur par les plus malins, les plus violents au coeur de la City où les traders, les quants, font tournoyer l'argent du monde pour enrichir les banques et s'enrichir au passage, il reste Sila, humble serveur noir, à terre sous nos yeux, face à tout ceux qui auraient pu faire quelque chose, si...

Ah l'argent ! Une fin en soi ? L'indispensable, le seul auquel on mesure la qualité d'un homme ?

Un livre remarquable qui soulève bien des questions. Mais c'est une des vocations de la littérature, n'est-ce pas ?

A lire absolument !

 

Extrait : "Ce soir  avait été une grande défaite... Elle sentait obscurément, et sans bien se l'expliquer, que cette indifférence face à un homme battu annonçait de grands malheurs. Elle avait soupçonné, au fil des années où Lev s'était imposé, de tristes événements, parce qu'elle détestait les oligarques, et ne parvenait pas pleinement à détacher son mari de cet environnement de mensonges et de violence, mais cet infime incident lui révélait la corruption intime de Lev....non seulement il n'était pas intervenu mais il n'en avait même pas ressenti le besoin. Cela lui était indifférent. Et il était évident qu'il ne serait  pas non plus intervenu si on avait mis un homme à mort, dans la rue. Il aurait simplement eu cet air un peu dégoûté, dérangé.... Personne ne s'était interposé, mais personne n'avait eu cette indifférence totale... Seul Lev était resté placide. Lev l'intellectuel, Lev le professeur, Lev le démocrate..."

 

 

Du même auteur, je recommande également : "L'origine de la violence".

Publié dans Lectures

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