Charly 9 - Jean Teulé
Edition : Julliard
Parution : Mars 2011
Il est vrai que Charles IX ne fut pas un roi comme les autres et qu'il n'aurait pas laissé un grand souvenir s'il n'avait ordonné, en août 1572, le massacre de
la Saint-Barthélemy, carnage qui horrifia l'Europe, à l'exception du pape et des Espagnols qui y virent, eux, la bienheureuse volonté de Dieu. Cette décision n'était pas la sienne mais celle de
sa mère, la redoutable Catherine de Médicis qui utilisa toute sa vie sa nombreuse progéniture pour assouvir son appétit dévorant de pouvoir : dès qu'un de ses fils mourait, elle poussait illico
le suivant sur le trône de France.
Charles IX avait 24 ans à l'époque, et il ne possédait ni la cruauté ni la détermination, ni la force morale d'assumer un crime aussi horrible. Accablé par le poids de sa faute, il sombra
dans une folie qui le conduisit en quelques mois à la maladie et à la mort. C'est cette terrifiante descente aux enfers que Jean Teulé raconte dans ce roman baroque et magnifique.
Avec la verve qu'on lui connaît, il décrit les extravagances de ce malheureux jeune homme : la manière dont il coursait furieusement des lièvres qu’il délivrait dans les appartements de sa
maîtresse ; comment il massacrait le bétail, la basse-cour et tous les animaux des fermes où le hasard de ses errances le conduisaient, comment il empoisonna une partie de la population en lui
offrant du muguet le 1er mai, ce qui, en ces temps de famine, poussait ses sujets à manger cette fleur vénéneuse qu’il croyait être une sorte de salade ; comment il permit l’invention du poisson
d’avril en officialisant le changement de date du début de l’année du 1er avril au premier janvier ; comment il crut remplir les coffres vides du royaume en fabriquant de la fausse monnaie... et
bien d’autres folies encore, aussi saugrenues que sanglantes.
On connaît bien évidemment Charles IX, fils de l’intransigeante Catherine de Médicis, pour être à l’origine de l’effroyable Saint-Barthélemy.
Ce que l’on sait peut-être moins, c’est qu’il n’en est pas vraiment l’instigateur, lui le manipulable jeune roi avant tout en quête d’un amour maternel qu'elle ne réserve qu’à son frère cadet…et c’est pour ne pas risquer le courroux de cette mère qu’il accéda à son désir d’éradiquer le « fléau » protestant.
A partir de là, rongé de remords, il descend les marches qui l’entraînent dans la folie. Et c’est sur le chemin de cette chute que nous le suivons, mi-ébahis mi-amusés, tant certaines tranches de cette vie royale seraient cocasses si elles n’étaient pas avant tout pathétiques, s’agissant du roi de France.
Avec une gouaille toute personnelle, Jean Teulé sait rendre ce jeune roi presque sympathique à nos yeux et on le plaint d’être si faible, en tel manque d’amour que cela le pousse à toutes les extravagances et à toutes les bourdes, parfois bien involontairement.
Au détour des pages, on apprend qu’outre l’inqualifiable Saint- Barthélemy, c’est à ce jeune souverain que l’on doit également : le début de l’année au 1er janvier ; les poissons du 1er avril et le brin de muguet du 1er mai.
Quand arrive la fin du roman, on ne peut que dire, en le refermant : Pauvre garçon ! Quelle malheureuse destinée que la sienne…
Vite lu, on sourit beaucoup, même si au fond il n’y rien de drôle dans ce destin qui laissa dans son sillage beaucoup de morts.
Quelques petites longueurs en fin de roman que l’on pardonne pour cette plongée dans l’Histoire, survolée en temps scolaire, que relève l’auteur par des anecdotes.
En rendant l’Histoire vivante, intéressante, il nous rend impatients d’un autre épisode de ce « feuilleton » de notre passé que l’on peut, avec le recul, qualifier d’époque mémorable !