Bonheur d'occasion - Gabrielle Roy
Première parution au Québec en 1945 et en France (Flammarion) en 1947.
Dernière édition 2009 chez Boréal.
Prix fémina 1947
Dans le quartier montréalais de Saint-Henri, un peuple d'ouvriers et de petits employés canadiens-français est désespérément en quête de bonheur. Florentine croit avoir trouvé le sien dans l'amour ; Rose-Anna le cherche dans le bien-être de sa famille ; Azarius fuit dans le rêve ; Emmanuel s'enrôle ; Jean entreprend son ascension sociale. Chacun, à sa manière, invente sa propre voie de salut et chacun, à sa manière, échoue. Mais leur sort est en même temps celui de million d'autres, non seulement à Montréal mais partout ailleurs, dans un monde en proie à la guerre.
Dans ce roman, le lecteur est transporté au Québec au début de la seconde guerre mondiale. Les protagonistes vivent dans Saint-Henri, rattaché à Montréal depuis 1905.
C'est au travers de la famille Lacasse que l'auteur nous plonge dans les conditions de vie de l'époque.
Il y a Florentine, 19 ans, serveuse qui verse la quasi totalité de son maigre salaire pour faire vivre sa famille. Mais Florentine a des rêves, elle est amoureuse de Jean, un jeune homme ambitieux. Il sait qu'en se débrouillant bien, il pourra tirer partie de la guerre, sans s'enrôler pour autant.
Rose-Anna, la mère, qui chaque jour lave, raccommode, tente d'étirer au maximum le moindre cenne (sou) pour faire vivre
les siens, ses enfants qu'elle aime tant sans savoir leur dire. Cette femme courageuse qui refuse de se laisser abattre plus d'un instant mais qui redoute aussi d'avoir à payer un tribut à chaque
petit bonheur accordé par la vie.
Eugène le frère aîné ne voit son avenir que d'une seule façon : s'enrôler dans cette guerre qui démarre pour s'assurer un salaire, un manteau et des chaussures mais aussi un certain prestige auprès des jeunes filles.
Il y a aussi Yvonne, qu'aucune température négative n'empêchera de se rendre à la messe ; Daniel le petit garçon fragile qui reste à la maison malgré son envie d'école ; et puis les petits dont on parle moins, ainsi que l'enfant encore à naître...
Et puis il y a Azarius, le père, qui ne garde jamais un travail bien longtemps mais trouve son bonheur et son avenir dans ses
rêves et ses espoirs en sachant les communiquer autour de lui, même si la réalité se rappelle à lui de façon parfois abrupte.
Au travers de ces personnages attachants, la guerre continue en toile de fond. Elle est lointaine, bien sûr, et les difficultés pour s'en sortir au quotidien sont déjà bien trop prenantes pour que les héros y pensent souvent, sauf quand cette dernière se rappelle à eux par l'enrôlement d'un proche ou un gros titre dans les journaux.
Ce livre est aussi un récit moderne pour l'époque de sa publication, car l'auteur ose en effet effleurer le sujet tabou de la sexualité, même si ce n'est qu'en glissant quelques mots ou phrases sur ce sujet.
Ponctué de termes et de phrases en québécois, ce roman est une pure lecture bonheur même si le récit n'est pas gai. Et c'est à regret que l'on quitte cette famille au moment où, on l'espère de tout coeur, la roue semble avoir tournée un petit peu en sa faveur. A moins que...
Cette lecture entre dans le cadre du challenge "Un mot, des titres" organisé par Calypso.