Asiles de fous - Régis Jauffret
Edition : Gallimard
Parution : Août 2005 puis Février 2007 pour Folio
Prix Fémina 2005
" Vous avez dû trouver cette famille étrange, mais plus encore que les histoires d'amour, toutes les familles sont des asiles de fous.
" Dans Asiles de fous, Régis Jauffret décline à travers une banale histoire de rupture son thème majeur : l'exploration de la folie ordinaire. Névroses domestiques, dérèglements psychiques au quotidien, rien n'en sort indemne, ni le couple, ni l'amour, encore moins la famille. Une réflexion cynique et burlesque, portée par une écriture tendue, minutieuse et puissamment expressionniste.
Ce roman est construit de multi récits ou monologues des divers protagonistes d’une rupture sentimentale. Cela est exprimé de façon lucide et dure, loin du romantisme.
On est dans le vif de la vie de couple, de la famille, de la maternité, de la paternité et de l’amour. On en reste groggy. Il y a si peu _ pour ne pas dire pas du tout _ d’optimisme au
travers de ces pages.
On découvre une image singulière et très particulière de l’humain ou de l’idée que s’en fait l’auteur dans les élucubrations de son âme torturée, voire tordue.
L’écriture est brillante, acérée, les monologues des personnages sont cruels, suffocants, parfois à la limite du supportable.
« Gisèle était tout de suite devenue une habitude, bonne les premiers mois, puis de plus en plus exaspérante. Je me cognais à elle dans l’appartement en faisant semblant de la reconnaître
pour ne pas la blesser en lui demandant ses papiers et sa fonction dans mon existence. »
Chaque personnage s’exprime, digressant sur l’événement, donnant son opinion puis tout son contraire, chaque revirement étant étayé d’autant de théories paradoxales.
La description de sa condition de mère et de femme par Solange est tonitruante et en même temps d’une douceur impensable l’instant d’avant.
« Vous verrez, quand vous aurez des enfants. On leur pardonne tout. Par pur égoïsme. Autrement on souffrirait trop. »
« Les enfants naissent facture en main, et vous pouvez toujours payer, les intérêts galopent loin devant vous comme un troupeau de chevaux sauvages. »
Les monologues du beau-père sont éloquents, froids, dépassionnés et paraissent très réels. Il voue un culte à son fils mais également son antithèse pour absorber le départ, la lâcheté, pour
combler le vide, le choc.
Au premier chapitre, je me suis demandée ce que je faisais dans cette lecture avant d’être ensuite emportée par la puissance de l’écriture. Quant à l’histoire _ assez banale_ elle se
déroule sous nos yeux comme lorsque que l’on reçoit un uppercut : on est interloqué, abasourdi par ce qui nous tombe dessus au fil des pages, un peu comme l’héroïne, Gisèle, qui
ne réagit pas, ou si peu.
Je n’ai pas suivi l’auteur dans tous ses raisonnements, ses digressions étranges. L’écriture est certes maîtrisée, traversée par des pointes d’une lucidité incroyable mais le reste est un
délayage de folie pas seulement ordinaire…
Certaines idées sont vraies et percutantes mais à partir de la moitié du roman, l’auteur ramène tout au sperme, au foutre et autres comparaisons de même augure.
Je n’arrivais plus à le suivre dans son délire.
Je dois donc admettre que ce roman m’a quelque peu déstabilisée et laissée dubitative…
Ai-je aimé ou non ? La réponse n’est pas tranchée. Si l’occasion se présente et/ou sur recommandation, je lirai probablement un autre titre de cet auteur dont l’écriture vaut le détour, mais sans le chercher expressément.
Si le côté cynique décrit par l’éditeur ne m’a pas échappé, le côté burlesque ne m'a pas sauté aux yeux…
La lecture de ce titre entre dans le cadre du challenge des 12 d’Ys, catégorie n°11 « auteurs francophones ».