Rien n'est trop beau - Rona Jaffe
Edition : Presses de la cité
Parution : Septembre 2011
Lorsqu’il fut publié, en 1958, le premier roman de Rona Jaffe provoqua l’engouement de millions de lectrices américaines. Elles s’identifièrent immédiatement à
ses personnages, de jeunes secrétaires venues d’horizons différents employées dans une grande maison d’édition new-yorkaise. Leurs rêves et leurs doutes reflétaient ceux de toute une génération
de femmes.
Il y a la brillante Caroline, dont l’ambition est de quitter la salle des dactylos pour occuper un poste éditorial. Mary Agnes, une collègue obnubilée par les préparatifs de son mariage. La
naïve April, jeune provinciale du Colorado venue à New York pour faire carrière dans la chanson. Si la ville semble leur offrir d’infinies possibilités professionnelles et amoureuses, chacune
doit se battre avec ses armes pour se faire une place dans un monde d’hommes.
Tour à tour naïves, déçues, obstinées, amoureuses, séduites, trahies, comblées, elles sont toutes attirées par ce que la vie New yorkaise offre comme possibilités. Quitte à se brûler les ailes…
Ce roman paru en 1958 montre la condition féminine de cette époque au travers du quotidien de ces jeunes filles qui se cherchent dans une vie où les codes et les obligations en vigueur volent parfois en éclat, faisant fi des qu’en dira-t-on qui veulent qu’une jeune fille bien soit mariée avant l’âge de 22 ans. Mais à quel prix ?
Entre les jeunes célibataires qui se paient du bon temps et ne sont pas pressés de se caser ; les hommes mûrs déjà mariés qui ne divorcent jamais ; le fils d’une amie de leur mère, gentil mais plutôt laid –le pauvre- et les patrons qui abusent de leur pouvoir…il est difficile de dénicher la perle rare.
Il faut aussi composer avec la morale, les convictions et la famille, dans la crainte de rester vieille fille ; d’un abandon ; ou d’une grossesse toujours possible.
« Gregg savait bien qu’elle ne suiciderait jamais…cette histoire de somnifères, c’était un truc de femme, de femme délaissée. Cela ne demandait pas de courage. C’était pour vivre qu’on avait besoin de courage. »
C’est également la découverte que le travail peut aussi, pour certaines, être un épanouissement et une façon de vivre, et ce pas seulement en attendant le mari idéal. Même si d’autres se rendent au bureau pour patienter dans la seule attente du Jour de leur mariage : « Le bureau était un endroit où travailler et gagner de l’argent, rien de plus. Les collègues qu’elle y rencontrait passaient dans son existence à une distance suffisamment éloignée, et s’ils étaient intéressants à regarder et pouvaient faire l’objet de discussions, elle ne se sentait pas concernée par leur sort pour autant. Les choses qui lui importaient, sa vraie vie, se trouvaient chez elle à Crescent Avenue, dans le coffre en cèdre où elle rangeait son trousseau. »
Déjà se profile les temps où chaque femme devra, selon sa personnalité, apprendre à concilier vie professionnelle et vie privée. Car ces jeunes femmes apprennent vite et cela plaît à certaines de jouer un rôle à part entière dans le monde professionnel, découvrant qu’elles peuvent s’y faire une place, qu’elles en ont les possibilités et les capacités.
Délicieusement rétro, ce roman est plein d’humour et de lucidité sur un temps révolu qui par certains côtés reste malgré tout résolument moderne.
Parfois même avant-gardiste et visionnaire d’une société en plein changements dans ces années d’après guerre, laissant aux femmes un terrain à conquérir en dehors de leur cuisine…
A savourer sans modération.